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Béatification des 19 martyrs d’Algérie : « Ces Bienheureux aimaient le peuple algérien »

Publié le 05 décembre 2018 Église de france

Le 8 décembre 2018, les dix-neuf religieux catholiques assassinés durant la « décennie noire » de la guerre civile, seront béatifiés au sanctuaire de Santa Cruz à Oran (Algérie). Monseigneur Paul Desfarges, archevêque  d’Alger, avait rédigé en novembre 2018, une lettre pastorale qui explique le sens de la démarche de l’Église catholique en Algérie. Voici son témoignage.
Qui étaient les 19 martyrs assassinés au cours de la guerre civile algérienne entre 1994 et 1996 (moines de Tibhirine, Mgr Pierre Claverie, frère Henri Vergès, des Pères Blancs et six religieuses de différentes congrégations) ? 

moines de Tibhirine

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Ces dix-neuf frères et sœurs « Bienheureux » sont une image, une icône, de ce qu’est l’identité de notre Église. Ils ont donné leur vie à Dieu, à l’Algérie et au peuple algérien. Ils ont passé leurs vies à aimer et à servir ce peuple qui était dans l’épreuve de la tourmente, de la violence (NDLR Guerre civile algérienne dans les années 1990). Ils pensaient que leurs relations avec leurs frères et sœurs, avec lesquels ils avaient partagé toute leur existence, étaient plus importantes que de protéger leur vie. Ils étaient autant en danger qu’eux, mais ils avaient fait le choix de rester en Algérie pour les soutenir. Je crois que cela dit quelque chose de ce qu’est notre Église.
Comment appréhendez-vous cet évènement ?
En toute confiance. Cette béatification est une grande joie. La façon dont l’Église rend hommage à ces hommes et ces femmes est un beau cadeau que le Seigneur nous fait. Ce sont vraiment des saints « ordinaires » car, pris dans la tourmente, ils donnaient leur vie à Dieu. Ils vivaient leur quotidien avec des hauts et des bas. Mais, tous les jours, ils se disaient que ça valait la peine de rester en Algérie car leurs relations avec leurs frères et sœurs algériens primaient sur leurs appréhensions.
Comment se sont déroulés les préparatifs ?
Nous sommes allés d’heureuses surprises en heureuses surprises. Les autorités ont donné leur feu vert. Elles ont facilité l‘obtention des visas, les voyages en avion, les logements. Je sens que l’Esprit Saint est derrière tout cela. C’est évident, la grâce est là. Les « Bienheureux » nous aident. Nous voulons que la cérémonie soit à la couleur de ce qu’ont été leurs vies.
En quoi cette béatification est-elle un évènement important ?
En 2018, nous vivons dans un monde où l’on ne croit pas, où la fraternité est menacée, en particulier avec nos frères et sœurs musulmans. Nous pouvons dire à travers cette cérémonie qu’il est possible de vivre des relations d’amitié, de fraternité, d’estime avec des musulmans. Par exemple, je suis en admiration, devant le personnel algérien, musulman, qui travaille dans nos services Caritas. Ce sont des hommes et des femmes qui vivent ici par la qualité, la générosité, leur don, leur engagement dans le service. Celui qui aime est née de Dieu et vit de Dieu.
En quoi cette béatification sera-t-elle placée sous le signe de l’amitié et de la fidélité au peuple algérien ?
Cette béatification n’est pas une cérémonie entre chrétiens. C’est une cérémonie de chrétiens avec nos frères et sœurs musulmans pour honorer le vivre-ensemble en paix. C’est comme cela que nous devons avancer. Les victimes chrétiennes seront associées aux 114 imams qui avaient refusé de cautionner la violence pendant la décennie noire. Pendant la guerre civile, il y eut aussi un certain nombre de journalistes, d’écrivains, d’artistes, de pères et de mères de familles qui ont désobéi aux groupes armés. Certains ont été fidèles à leur foi, à leur conscience, à leur amour du pays et ils en sont malheureusement morts. Nous ne pouvons pas honorer nos martyrs sans prendre tous les autres dans nos prières, nos louanges ou nos actions de grâce.
Pourquoi la cérémonie de béatification se déroulera-t-elle à Oran ?

Pierre CLAVERIE, lors d'une réunion de l'AJIR (Association des journalistes d'information religieuse) à Paris.
 

Elle aura lieu au sanctuaire de Santa Cruz, à Oran, car Mgr Pierre Claverie, dominicain, fut évêque du diocèse d’Oran de 1981 à 1996. D’ailleurs, l’Église a choisi d’appeler cette cause : « Béatification de Mgr Pierre Claverie et ses dix-huit compagnons ». Il a été assassiné le 1er aout 1996, par une bombe qui a explosé au moment même où il ouvrait la porte du garage de son évêché. Il était avec son jeune ami Mohamed Bouchikhi qui a perdu la vie en même temps que lui. Dans un petit carnet, Mohamed avait écrit que la vie valait la peine de prendre des risques « pour un homme comme lui ». Il savait que Mgr Pierre Claverie avait une parole forte et vigoureuse et qu’elle pouvait gêner.
Quels liens vous unissaient à Monseigneur Pierre Claverie, assassiné le 1er août 1996 ?
Nous nous connaissions depuis toujours. Il était vicaire général quand je suis devenu évêque. J’allais à la réunion de la CERNA (Conférence des évêques de la région Nord de l’Afrique). On se voyait, on parlait, on échangeait. C’était un frère.
Qui sera présent à cette cérémonie ?
Du côté algérien, le président algérien a donné son aval. Il y aura un représentant du Président de la République, soit le Président du Sénat, soit celui des affaires religieuses. Sur 1200 personnes présentes au sanctuaire de Santa Cruz, 300 Algériens sont invités. La cérémonie sera retransmise en direct aussi à la basilique Notre-Dame d’Afrique d’Alger où nous attendons plus de 1500 personnes.
Le Pape François ne viendra pas à cet évènement. Le Cardinal Giovanni Angelo Becciu, préfet de la Congrégation de la cause des saints (chargée au Vatican de l’ensemble des processus de béatification et canonisation) a été désigné pour le représenter…
Il ne vient pas parce que ce n’est pas lui qui vient pour les béatifications. Ce n’est pas non plus le moment le plus opportun. Nous allons entrer en période électorale en Algérie. Mais l’idée que le Pape François puisse venir en Algérie fait son chemin.
Le processus de béatification a été assez rapide. Cet évènement aidera-t-il à aller vers un chemin de paix et de réconciliation ?

1er septembre 2017 : Le pape François reçoit en audience privée, Mgr Paul DESFARGES, archevêque d’Alger (c), Mgr Jean-Paul VESCO, évêque dominicain d’Oran (d), et le P. Thomas GEORGEON, moine trappiste, postulateur (g) venus défendre la cause en béatification des 19 catholiques assassinés en Algérie au cours des années 90. Vatican. DIFFUSION PRESSE UNIQUEMENT.
 


Dans les années 1990, la situation était dramatique pour tout le monde. J’étais à Constantine. De nombreuses familles ont été touchées d’une manière ou d’une autre par les désaccords ou les divisions. La guerre civile a fait de 150 000 à 200 000 morts. Les plaies ne sont pas complétement cicatrisées. La béatification aidera à les guérir. Nous avons rencontré le Pape François le 1er septembre 2017 avec Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran et le Père Thomas Georgeon, moine trappiste. Nous étions venus défendre en audience privée la cause en béatification des 19 martyrs. Il nous a conseillé d’être délicat et d’entreprendre une bonne catéchèse. On s’aperçoit justement que c’est en bonne voie. Cet évènement ne doit pas être vécu comme une plainte tournée vers le passé mais plutôt vers l’Espérance et l’avenir.
Vingt ans après la guerre civile, comment poursuivre le travail interreligieux ?
Grâce au cheikh Khaled Bentounes et à la confrérie religieuse soufi Alawiyya, l’Algérie a pu faire aboutir une résolution à l’Organisation des Nations Unies (ONU) le 8 décembre 2017, celle de faire du 16 mai la « Journée internationale du vivre-ensemble en paix ». J’espère que cette journée deviendra importante parce que l’Autre est mon frère en humanité. Je ne peux pas être disciple de Jésus si je ferme mon cœur. Que ce dialogue inter-religieux soit difficile à mener, que ça nous demande des conversions, c’est une chose. Mais des hommes et des femmes ont donné leurs vies et ont manifesté que ce chemin de fraternité vaut la peine d’être vécu. Nous sommes dans le pays du Père Charles de Foucauld (NDLR. 1858-1916), je voudrais vivre de telle façon que les autres puissent me reconnaitre comme l’un de leurs frères. Vivre avec l’autre me fait du bien. Je ne dis pas que c’est facile. La vie reste la vie. Mais tout de même, ce chemin-là permet d’être heureux.

Les 19 martyrs

Les sept frères des moines de Tibhirine (Trappistes)

Frère Christian de Chergé (1937-1996), frère Christophe (1950-1996), frère Luc (1914-1996), frère Michel (1944-1996), frère Bruno (1930-1996), frère Célestin (1933-1996), frère Paul (1939-1996).

Des religieuses et religieux

  • Frère Henri Vergès, frère mariste
  • Sœur Paul-Hélène Saint-Raymond – Petite Sœur de l’Assomption
  • Sœur Esther Paniagua Alonso – Sœur Augustine Missionnaire
  • Sœur Caridad Álvarez Martín – Sœur Augustine Missionnaire
  • Jeanne Littlejohn sœur Angèle-Marie – Sœur de Notre-Dame des Apôtres
  • Denis Leclercq Sœur Bibiane – Sœur de Notre-Dame des Apôtres
  • Sœur Odette Prevost – Petite Sœur du Sacré-Cœur

Quatre missionnaires d’Afrique

  • Jean Chevillard
  • Alain Dieulangeard
  • Charles Deckers
  • Christian Chessel

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